Mario d’Souza
SPIP

Barroco

Michel Nuridsany

"Je vis dans le baroque".

Quand Mario D’Souza lance cela, tout est dit ou presque. Chez cet artiste volubile et profus, l’essentiel et même ce qui l’est moins, tend à l’exubérance, au dynamisme, à une façon de répandre et de s’épancher. De passer outre. De déborder. D’aller en quête de ce que les choses deviennent quand on les pousse à sortir d’elles-mêmes. Voilà un art, nourri d’admirations, de glorification qui, non seulement, tolère le mélange mais encore le favorise. Né à Bangalore (Inde) en 1973, vivant en France depuis une dizaine d’années, installé du côté de Menetou-Salon, dans une maison plantée au milieu des vignes, Mario D’Souza a su opérer en lui-même, pour lui-même, le brassage nécessaire et la fusion de cultures et d’expériences qui n’avaient pas d’évidentes affinités pour produire, au cours de ces deux ou trois dernières années, un art vraiment personnel où la réflexion, la sensibilité, l’intuition, la sensualité et même l’érotisme (certes sous-jacent mais présent partout) se fondent en jouissance. En une sorte d’hymne à la vie. "Comme le fruit se fond en jouissance" écrivait Paul Valéry. On pourra certes repérer ici ou là des traces dans lesquelles on serait tenté de voir une "influence" (notamment dans l’œuvre reproduite ci-contre qui fait terriblement penser à Beuys) ; mais - outre que ce petit jeu consistant à débusquer des influences partout ne mène pas à grand-chose si ce n’est, pour l’historien d’art ou le critique, à exhiber sa culture -, si l’on regarde un peu mieux, on comprend que, chez Beuys, la cire, le feutre ont pour fonction de recouvrir, de protéger - de calfeutrer -, alors que, chez Mario D’Souza, le matériau choisi, la mousse, induit un mouvement expansionniste d’ouverture. Si l’on veut des proximités, la "science de l’augmentation", chère à Jean-Luc Vilmouth serait plus adéquate. Il y a, chez Mario D’Souza, une façon, allègre, heureuse, de parier pour la vie, qui n’appartient qu’à cet artiste rayonnant. Sa façon touchante d’aller vers les gens s’accorde avec cet art positif qui part d’un objet souvent usagé et trouvé, chargé d’histoire, et déborde sur le rêve, la méditation. A partir de là, se développe une poétique en écho. Ainsi en est-il de "Comfort on all sides" (2011) qui montre, reposant sur une banale chaise de bureau qui, l’air de rien, supporte le choc, un immense rocher (en polyuréthane) semblable à ceux des "péplums" italiens des années 60. Féerique. Dérisoire. Improbable. Fascinant. "On the way to the market" (2011), en opérant un court-circuit entre des légumes géants et une chaise sur laquelle ils reposent, obéit à une logique semblable. Ailleurs, Mario D’Souza remplit les "vides" ordinaires des chaises de bureau avec de la mousse, chargée d’air comme chacun sait. Il y a, chez Mario D’Souza, une propension à l’émerveillement, à voir et à montrer le monde en déjouant les évidences qui nous conduisent à le regarder comme si nous le voyions pour la première fois. N’est-ce pas, au fond, ce que cherche tout artiste de haut vol ?