Cher Mario,
L’hiver 2020 en cours, un rendez-vous est pris à Paris. La porte de ton appartement-atelier s’ouvre. Des tableaux, des objets sont déposés au sol. Tu m’invites à entrer. Marcher à travers les dessins et ressentir l’importance de la couleur dans ton quotidien. Sous les pieds, la douceur des tapis, pas à pas, découvrir et reprendre la conversation que nous avions eue, il y a dix ans. Je me rappelle, c’était un long échange dans un café, place du Châtelet à Paris. Nous voilà à nouveau réunis pour un temps de travail et échafauder le projet de juin… que mars déplacera ! L’œuvre pour la chapelle en sommeil aujourd’hui, advient. Le temps de la fabrication est arrivé même si octobre espère fièrement que l’instable ne lui donnera pas à nouveau rendez-vous. Nous sommes confiants… Jusqu’ici tout va mieux et Home away from home (être chez soi ailleurs) malgré tout résiste… Nous retrouvons l’extérieur et appelons ensemble le domicile (domus du latin domicilium « demeure » dérivé de domus « maison »), ce « home » qui réconcilie et lie le dedans et le dehors. L’espace de la chapelle, pareil à chez-toi, devient ton complice se peuple d’objets où le rituel tient une place ludique et sérieuse. Sur les murs, la parade s’installe dans un décor de couleur bleue et de fleurs. L’œuvre s’épanouit au plus près du rire, cette complicité essentielle. Avec agilité, ton dessin s’étire sur les murs et les papiers. Pliées, les étoffes s’offrent en paix. Respirer, entendre, s’emparer du souffle de l’autre, de sa voix. Délier, dénouer, ranger les apparences, pour favoriser la profondeur d’un langage tourné vers l’échange. L’audace, c’est la place donnée à autrui. Invité dans un premier temps puis habitant de la chapelle, l’autre façonne le relief de ce projet. Hôte parmi les hôtes, ta maison accueille, la chapelle est un havre, car tu as cette volonté de voir ici le déploiement d’une dynamique collective. La table pour manger, les tapis pour s’asseoir, tu ordonnances une scénographie de l’espace. La vie est là et tu vois Mario, je pense à cet extrait d’une poésie de Marie Huot : « J’ai dansé jusqu’au jour de l’oiseau à l’envers du vitrail, celui qui brisa de son bec les trois couleurs afin que la vierge respire. » Que de nos corps et nos souffles, nous puissions saisir l’esprit des lieux. Tu nous convies à « habiter », ton attention s’exprime à cet endroit. La création pour ce temps de vie se pense en geste empathique, la fonction première de la chapelle revisitée, induit indéfectiblement une spiritualité qui, pour l’heure engage l’attention. Mario, tu formalises l’accueil. La couleur et les paroles s’éclairent, initient une transparence des sentiments, un air léger qui s’apparente à une émotion que l’on appellerait la joie ou mieux ce simple plaisir à se sentir vivants. Être tout à la création telle une respiration.
Valérie Mazouin directrice du centre d’art et commissaire de l’exposition.